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FakePlasticHeart †

Bienvenue dans le petit monde de PlasticFood

La chambre noire.

La chambre noire.

Dans un profond silence, les flocons s’abattirent sur sa crinière de soie noire.

Alors seulement, depuis une éternité, ou peut-être deux, elle ouvrit les yeux.

Les pupilles se dessinèrent dans ses deux lacs bleus comme pour enfin y esquisser un regard.

Elle fixa l’horizon. Le soleil couchant colorait devant elle le ciel d’un rose pâle.
C’est à cet instant, poussé par une envie plus forte que la raison, qu’elle laissa tomber son corps frêle dans la couverture de coton.

« Qu’il y fait bon.. », songea-t-elle.

Peut-être enfin, que dans l’intime fraicheur du bourreau blanc, elle sentirait se réchauffer son petit cœur anesthésié ?

0h elle n’était pas seule ! Avec elle, Léopoldine partageait le spectacle. Les notes semblaient suivre le mouvement des flocons.

« Bientôt… », murmura-t-elle.

0ui bientôt, elle aussi serait recouverte de blanc. Peut-être finirait-elle par avoir froid ? Qu’importe, la douleur serait bientôt souvenir, bientôt péris, comme celui-ci & comme les autres.

Bientôt, après l’ultime clarté, ses pupilles disparaitraient de nouveau, laissant place à ce vide devenu présence.

Elle ferma les yeux. L’obscurité la serrait maintenant en son sein comme une mère avenante et protectrice. Ses membres s’engourdissaient, dévorés par la glace. Elle ne put retenir un dernier soupir. Non d’inconfort, de soulagement. Bientôt...

  • Tu vas attraper froid.

Qui avait cru bon d’interrompre l’ultime jouissance d’une mourante ? Ne méritait-elle pas que le temps s’arrête ? N’avait-elle pas déjà assez vécu ?
Elle ouvrit les yeux. Il se tenait debout, devant elle, fixant les deux saphirs qu’elle venait de dévoiler.

  • Peut-être que je n’y avais pas songé ? Peut-être que vous avez jugé bon de me faire part de cette conclusion. Et peut-être même que vous avez songé à ce que celle-ci puisse être pertinente ! Et vous êtes parvenu à ce résultat tout seul ? Elle fronça un sourcil, examinant le visage de l’inconnu comme pour juger de sa perspicacité. 0h non ! Il aura bien fallu que l’on vous souffle l’idée qu’une jeune fille ainsi allongée dans la neige, eu de fortes chances d’attraper froid…

Son regard se détourna de celui du troublant individu pour se plonger dans la contemplation du ciel. Le soleil c’était couché pendant qu’elle s’était abandonnée à ses songes morbides.
Le jeune homme ne lui accorda pour seule réponse que le basculement de son visage vers ce sombre voile parsemé d’étoiles. Il reprit, comme si les quelques paroles qu’elle avait daigné lui accorder, n'avaient trouvées d'existence :

  • Elles sont belles n’est-ce pas ?

Elle tourna brièvement la tête vers lui, debout, qui contemplait la céleste éternité.

  • Qu’il y a-t-il de beau ?
  • Les étoiles. Elles sont si loin, si inaccessibles… et pourtant là, avec leur frêle chaleur, elles…
  • Elles sont mortes.
  • Pardon ?
  • Les astronomes s’accordent pour dire que nous avons des milliers d’années de retard quant à la lumière qui nous parvient ce soir. Il est plus que probable que les trois quarts des étoiles qui brillent au-dessus de nos têtes ce soir, soient mortes depuis longtemps.
  • Et tu ne trouves pas ça magique ?
  • C’est morbide.
  • Je trouve ça beau. Etre capable de voir au-delà de la mort, au-delà de ce pathétique destin commun à toute chose vivante.
  • Ce n’est que le fait de la distance qui nous sépare du ciel. Vous n’avez jamais pris de cours de physique ?
  • Le monde n’est pas science. Tu sais ce que c’est le problème des scientifiques ?
  • Dîtes.
  • Ils sont incapables d’une once d’imagination. C’est ce qui les rend si tristes.
  • Si par triste vous voulez dire « réalistes » alors je rejoins le raisonnement. Il rit ; sa voix laissait deviner la tendresse que lui inspirait la réponse de la jeune fille. Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?
  • Ta façon de voir le monde, sourit-il.

Il lui tendit la main, elle tourna la tête vers lui sans esquisser l’ombre d’une expression de visage.

  • Je ne comptais pas me lever.
  • Tu vas att… Tu ne rentres pas chez toi ?
  • Peu importe.
  • Et tes parents ? Il est tard, ils doivent s’inquiéter.
  • Je suppose que ce serait la réaction de parents ordinaires oui.

Le jeune homme la contempla perplexe, ne sachant que comprendre.

La peau pâle de la suicidaire avait bleuie depuis qu’elle s’était laissé aller à la faucheuse de glace, ses lèves violacées remuaient désormais difficilement. Il est vrai qu’elle n’était vêtue que d’une chemise noire unie lui tombant à mi-cuisses. Ses escarpins dévoilaient ses orteils nus. Ni gants, ni écharpe, ni bonnet. Il s’était tourné vers elle une unique seconde fois. Déboutonnant son long manteau de feutrine kaki, il l’enleva pour le laisser tomber sur la première moitié du corps de l’adolescente.

  • Ah ! elle toussota en relevant son buste d’un bon. Mais c’est quoi ton problème bordel?

Il ne répondit pas.

  • Putain ! Fait chier ! C’est si dur que ça de laisser les gens crever en paix ?! Pourquoi faudrait toujours qu’un mec se sente obligé de jouer les anges gardien au moindre problème qu’il rencontre ?!

Il lui tendit la main une nouvelle fois.

  • Tu es transie par les flocons. Viens. Si tu ne sais pas où aller je t’héberge pour la nuit.
  • MAIS QU’EST-CE QUE TU PIGES PAS BORDEL ?!!

Elle s’égosilla sur ces derniers mots quand les larmes perlèrent à ses joues. Elle se recroquevilla sur la feutrine noire.

  • Pourquoi je ne pourrais pas juste mourir en paix…

Ces derniers mots s’étouffaient à peine audibles dans ses sanglots.

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