Narcisse.

Elle est là, contre lui.
Elle le regarde de ses petits yeux d'enfant, de ce regard rempli d'admiration naïve et d'une passion réelle. Sincère.
Pendant un moment, il se sent prince. Il se sent roi. Il se sent dieu. Il oublie qu'il ne sera jamais ce qu'elle attend de lui pour ne se rappeler que cette image et ces espoirs qu'elle a.
Plus rien n'existe, sinon cet amour qu'elle lui donne.
Pendant un moment, il est bien. Alors qu'ils ont marché sous la pluie et dépensé une petite fortune pour pouvoir se donner l'un à l'autre, le temps est maintenant plus clair, plus doux.
Elle est sur le point de partir. Lui, il sait que dès qu'elle sera rentrée dans ce bus, il sera à nouveau cette grosse merde manipulatrice incapable de ressentir quoi que ce soit pour qui que ce soit. Et même s'il s'aime plus que tout au monde, il se déteste au moins autant.
Et elle, de ses caresses et de ses regards, elle lui faisait oublier pendant un moment. Elle lui faisait tout oublier.

Il serre les dents et se contient de trembler de rage contre lui-même au moment où elle part. Parce qu'il a envie de la suivre et de lui offrir tout ce qu'elle désire, mais qu'il sait en être incapable. Parce qu'il a envie de se balancer des droites dans le visage jusqu'à se péter le nez dans l'espoir que l’hémisphère qui a autrefois bouffé le peu d'humanité qu'il avait se remette en marche.
Puis, dans le train, en route pour sa vie médiocre dont il a perdu le fil depuis quelques années, il se rappelle ce qu'il pensait au départ et qu'il a toujours cru vrai :

Elle mérite mieux.